Nous ne prétendons pas apprécier ici le livre de Proudhon. Après la condamnation judiciaire, la critique ne peut le condamner sans lâcheté, ni l’absoudre sans risquer de manquer de respect à la chose jugée. Mais il y a une partie du livre de Proudhon qui n’a pas été incriminée ; c’est celle qui traite des femmes et du mariage. Là se trouvent des choses que chaque femme sachant tenir une plume a le droit de regarder comme des attaques personnelles. Ce sont à ces attaques personnelles que je prétends répondre. Car Proudhon a le verbe trop haut et la parole trop retentissante, pour qu’il soit possible d’opposer, à ses raisons mêlées d’injures, le silence dédaigneux que méritent d’ordinaire ceux qui parlent un certain langage. D’ailleurs, combattre l’erreur est toujours un devoir. L’accomplissement de ce devoir devient une vertu quand on le poursuit avec des armes inférieurement inégales. Proudhon représente la force, puisqu’il est homme ; moi, la faiblesse, puisque je suis femme. Mais il y a quelque chose au-dessus de la force, c’est la vérité. Il y a quelque chose qui l’emporte sur la dialectique la plus serrée, sur l’avocasserie la plus habile, c’est le simple bon sens. La cause que je défends l’emportera, mais ce ne sera pas sans combats et sans efforts. Elle a besoin d’être défendue contre plusieurs, contre beaucoup. Hier, c’était contre les adversaires du progrès ; aujourd’hui, contre Proudhon ; demain peut-être, contre les amis du progrès et de la liberté mal comprise. Courage donc ! Ceignons nos reins et préparons-nous à la lutte, et, même à pire, à l’outrage. Oui, à l’outrage ! Lorsque les hommes se battent entre eux, ils ne s’appliquent qu’à se tuer ; mais quand ils luttent contre une femme, soit orgueil froissé, soit brutalité pure, ils cherchent d’abord et dans un premier mouvement à l’outrager dans son sexe ou dans sa personne, sachant bien qu’elle est vaincue quand ils l’ont calomniée.